Henri Matisse

Cette première version de La Danse fut commandée par le collectionneur russe Sergueï Chtchoukine. Peinte avec seulement trois couleurs (bleu, vert, vermillon), elle représente cinq nus dansant en cercle dans une frénésie dionisiaque. Matisse voulait exprimer "une expression de l'unité et de la joie de vivre". Anecdote extraordinaire : lors de la livraison à Moscou, Chtchoukine fut tellement choqué par la nudité crue qu'il envisagea de refuser le tableau ! Matisse s'inspirait d'une farandole qu'il avait vue sur une plage catalane. Les proportions "incorrectes" des corps étaient intentionnelles : Matisse disait "l'exactitude n'est pas la vérité". Cette version fut peinte plus librement que la version finale, avec une spontanéité qui fascinait Picasso lui-même.

La version finale de La Danse, plus monumentale et contrôlée que la première. Matisse peaufina chaque détail pendant des mois. Les cinq danseurs forment une chaîne humaine parfaite, symbole d'harmonie universelle. Cette toile influencera profondément Picasso et l'art moderne. Le collectionneur Chtchoukine finit par accepter l'œuvre et l'exposa dans son palais moscovite, créant un scandale dans la haute société russe. Détail fascinant : après la Révolution, le palais fut nationalisé et La Danse devint propriété de l'État soviétique. Aujourd'hui au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, elle reste l'une des œuvres les plus photographiées au monde. Matisse créait ici un art universel, au-delà des cultures et des époques.

Ce portrait de sa femme Amélie avec une raie verte au milieu du visage fut un choc ! Présenté au Salon d'Automne de 1905, il déclencha un scandale et donna son nom au fauvisme. Les critiques étaient horrifiés : "Du jamais vu ! C'est la négation de tout ce qui a été fait en peinture !". La fameuse raie verte divisant le visage en deux n'avait aucune justification naturaliste – c'était de la pure expression colorée. Amélie Matisse, qui avait posé pendant des heures, fut d'abord choquée en voyant le résultat ! Matisse expliquait : "Je mets du vert, ce n'est pas de l'herbe. Je mets du bleu, ce n'est pas le ciel." Cette révolution chromatique libérait la couleur pour en faire un instrument d'expression émotionnelle pure. Aujourd'hui conservé au MoMA, c'est l'un des tableaux les plus influents du 20e siècle.

Cette toile éblouissante montre une servante arrangeant une table couverte d'une nappe rouge ornée de motifs floraux bleus. Mais où finit la nappe, où commence le mur ? Matisse abolit la perspective traditionnelle en créant un espace unifié par la couleur. Le rouge domine tout, créant une atmosphère onirique et décorative. Commandée par Sergueï Chtchoukine, elle fut d'abord peinte en bleu ("Harmonie en Bleu") avant que Matisse, insatisfait, ne la repeigne entièrement en rouge ! Les arabesques décoratives montrent l'influence de l'art islamique que Matisse admirait. Cette œuvre marque un tournant : Matisse s'éloigne du fauvisme violent pour créer un art plus décoratif et harmonieux. Elle annonce sa période niçoise où il peindra des intérieurs luxueux baignés de lumière méditerranéenne.

Peint durant l'été révolutionnaire de 1905 à Collioure, ce tableau incarne la naissance du fauvisme. Matisse travaillait aux côtés d'André Derain, et ensemble ils libéraient la couleur. La vue depuis la fenêtre de son atelier devient prétexte à une explosion chromatique : roses violents, verts acides, bleus purs. Les volets rouges vibrent contre le mur rose, les mâts des bateaux se découpent dans un ciel turquoise irréel. Aucune couleur n'est naturaliste – tout est réinventé par l'œil du peintre. Cette petite toile modeste fut révolutionnaire : elle montrait que la couleur pouvait créer l'espace et la lumière sans recourir au modelé traditionnel. Les reflets sur l'eau deviennent de simples touches de couleur juxtaposées. C'est le manifeste du fauvisme en miniature.

Cette œuvre fait partie du livre "Jazz", projet révolutionnaire où Matisse, cloué au lit après une grave opération, inventa une nouvelle forme d'art : les papiers découpés. Avec l'aide d'assistantes, il peignait des feuilles de papier à la gouache, puis les découpait avec des ciseaux. Il appelait cela "dessiner avec des ciseaux". Icare, le héros mythologique qui vola trop près du soleil, est représenté comme une silhouette noire flottant dans un ciel bleu parsemé d'étoiles jaunes. Le cœur rouge au centre brûle littéralement. Cette image simple est d'une puissance émotionnelle extraordinaire : elle évoque à la fois l'ambition, la chute, et la beauté tragique. Matisse, à 78 ans, transformait son handicap en innovation artistique géniale. Cette œuvre inspira des générations de graphistes et designers.